Le Luxe vu par les Geeks

Sélectionné par eFinancialCareers comme l’un des meilleurs ex-banquiers de FinTech, Dominic Gamble est en voyage pour conduire la transformation numérique du secteur des services financiers. Après avoir travaillé pendant plus de 10 ans dans les grandes banques d’investissement mondiales Credit Suisse et Deutsche Bank à Londres, Dominic Gamble a fondé plusieurs startups FinTech et s’est installé à Singapour, en Asie.

À travers son parcours de la banque privée, à l’entrepreneur FinTech et maintenant WealthTech, la carrière de Dominic Gamble lui a permis d’acquérir une compréhension approfondie du comportement et de l’appétit numérique des investisseurs fortunés en ligne. Dans son dernier poste de Chief Digital Officer pour Privé Technologies, Dominic Gamble est à l’avant-garde de la transformation numérique du secteur de la gestion de fortune privée. Il est désormais chargé de concevoir et de mettre en œuvre des expériences numériques pour les investisseurs fortunés et les institutions.

Dominic Gamble : Transformation numérique de la gestion de patrimoine privé

Luxe Digital : Qu’est-ce que Privé Technologies et que faites-vous ?

Dominic Gamble : Nous construisons des technologies pour les entreprises de gestion de patrimoine, qu’il s’agisse de banques privées et d’assureurs mondiaux, ou de conseillers financiers et de boutiques locales. Privé Technologies propose des outils spécifiques et approfondis pour les conseillers et les clients, ainsi qu’une solution de « gestion de patrimoine prête à l’emploi » qui offre aux nouveaux venus la suite technologique complète de produits dont ils ont besoin pour être opérationnels dès demain. Il est intéressant de noter que cela commence à ouvrir les portes à un nouveau groupe de clients – les médias et les entreprises sociales qui ont déjà des utilisateurs et qui veulent maintenant entrer dans l’arène de la gestion de patrimoine. Surveillez cet espace…

Mon rôle est de diriger nos solutions numériques de conseil et d’engagement – en consultant nos clients et en fournissant une technologie innovante pour améliorer la vie de leurs conseillers et de leurs clients. Toutes les solutions dans mon monde impliquent des points de contact avec l’investisseur final. Il s’agit notamment de l’onboarding numérique (ouverture de compte en ligne), des outils dits de « robo-advisor » (constitution d’un portefeuille en quelques clics sur la base du profil du client), de la définition d’objectifs de vie financière, de l’engagement et de l’acquisition de clients.

Ces deux derniers sont dans mon ADN et j’ai vendu mon activité d’acquisition de clients asiatiques à Prive en 2017.

Ce que j’aime, c’est construire des produits qui résolvent un défi entre le conseiller et le client. Il y en a beaucoup dans la gestion de patrimoine.

Luxe Digital : Que recherchent généralement vos utilisateurs lorsqu’ils visitent votre site web et quels sont les principaux avantages de l’utilisation d’une plateforme numérique ?

Dominic Gamble : Comprendre l’utilisateur final est essentiel pour créer la bonne expérience numérique. Dans tous nos secteurs d’activité, ces utilisateurs varient en termes de richesse, d’âge, de connaissances technologiques et de confiance dans la technologie. Il ne s’agit pas seulement du consommateur, mais aussi des conseillers au sein des institutions financières. Nous sommes donc sur la corde raide : une conception trop poussée et une simplification excessive de l’interface utilisateur et de l’expérience utilisateur peuvent aliéner certains groupes. Ce que nous recherchons dans l’ensemble de notre groupe de produits, ce sont des fonctions faciles à comprendre, intuitives et utiles, qui éliminent le superflu et se concentrent sur l’exécution brillante des fonctions de base.

Les bénéficiaires de la technologie – les investisseurs finaux – sont principalement des personnes disposant de 100 000 dollars et plus. En fait, la technologie en contact direct avec le client pour les investisseurs très fortunés (UHNWI) n’est pas encore très répandue pour de nombreuses raisons, la principale étant que l’on considère généralement que les investisseurs asiatiques fortunés ne veulent pas d’une relation basée sur la technologie (pour le moment).

Cependant, ce n’est pas le cas pour les segments aisés et fortunés. Il s’agit de la base d’utilisateurs qui a talonné les Millennials pour l’utilisation du numérique en Asie, et ils exigent plus que jamais des services numériques.

Luxe Digital : Comment décririez-vous à la fois vos fournisseurs de services financiers et vos consommateurs finaux ?

Dominic Gamble : Nous avons un large éventail de types d’utilisateurs – hommes/femmes, de la fin de la vingtaine à la fin des années 80, différentes nationalités et différents utilisateurs d’appareils. Ce ne sont pas des milléniaux cependant, c’est un dénominateur commun.

Cependant, le plus grand défi à relever pour les institutions n’est pas tant lié à l’utilisateur – il s’agit de cadrer la gestion de patrimoine de manière appropriée dans le comportement numérique quotidien de l’utilisateur. Lorsque j’achète sur Amazon ou Zalora, l’expérience est très familière. Lorsque je consulte mon compte bancaire en ligne via une application ou sur le web, l’expérience est familière (et le devient de plus en plus en Asie, où la base est faible). Cependant, lorsque je demande à un utilisateur de construire un portefeuille d’investissement, de générer son profil de risque, de lire une proposition de portefeuille, les utilisateurs ne sont pas familiers ou même désireux de faire cela pendant leur temps libre.

La gestion de patrimoine a un gros problème de perception. Parfois mal comprise, parfois comprise et critiquée, parfois utilisée comme un service profondément privé, elle ne s’est pas bien adaptée au numérique et, en fait, le secteur a prospéré en tant qu’activité hors ligne, peu compétitive et opaque.

Cela a donc un impact extrêmement important sur la proposition et la conception des produits. Nous avons vraiment un avantage sur ce point par rapport aux autres entreprises technologiques, c’est ce qui me fait sortir du lit chaque jour. Je vois tellement de potentiel et soit zéro, soit une mauvaise exécution par les institutions pour engager leur utilisateur numériquement.

Luxe Digital : Que signifie le luxe dans le contexte des services financiers ? Quelle valeur ajoutée apporte-t-il à vos utilisateurs ?

Dominic Gamble : C’est là que les choses deviennent vraiment intéressantes.

Le secteur du luxe a permis de tirer un grand nombre d’enseignements positifs pour les meilleures pratiques numériques des consommateurs en Asie. Le luxe a connu un véritable boom en Asie au cours des 15 dernières années, et ces pratiques sont largement appliquées dans le monde de la gestion de patrimoine, car il s’agit également d’un service haut de gamme. Pourquoi ? Parce que la qualité dépend encore du prix. Cette dynamique peut s’ajuster à moyen et long terme, mais fournir des conseils, une infrastructure et des opportunités de haute qualité coûte de l’argent. Cette infrastructure ne se traduit pas actuellement par une plateforme en ligne évolutive.

Les banques privées sont des entreprises gourmandes en ressources. Les robo-advisors, qui sont en fait des gestionnaires d’investissement en ligne, représentent un défi justifié pour les frais des gestionnaires de patrimoine. Mais leurs niveaux de service et l’étendue de leurs possibilités sont extrêmement limités et ils ne constituent pas encore une offre haut de gamme. Ils aident le public de détail à accéder à la gestion de patrimoine, mais ils n’aident pas la masse aisée et les personnes fortunées à obtenir une meilleure gestion de patrimoine.

L’expérience du luxe est une accroche clé que les gestionnaires de patrimoine peuvent utiliser. Certains ont essayé, avec un certain succès, d’avoir des partenaires de luxe et des marques de style de luxe, mais aucun d’entre eux n’a vraiment réussi à faire du marketing dans le style, ou avec les avantages, d’une marque de luxe.

Le design est si important dans ce processus et la gestion de patrimoine a traditionnellement accordé peu ou pas d’attention à la réflexion sur le design. Aujourd’hui, alors que l’aube du numérique se lève enfin, le design est primordial. Les marques qui créent des expériences numériques avec des expériences utilisateur et des interfaces utilisateur bien conçues vont considérablement augmenter leurs chances de succès. Le consommateur est désormais habitué à attendre de ses services numériques une interface utilisateur et une expérience utilisateur de qualité, et la richesse ne fera pas exception.

Il existe une perception erronée selon laquelle la gestion de patrimoine pour le détail et la masse doit être légère et remplie d’infographies. Beaucoup de robo-advisors suivent cette tendance. Mais le style de vie est essentiel dans l’état d’esprit d’un client de la gestion de patrimoine et je dirais qu’une stratégie de marque plus forte en Asie consiste à proposer une offre plus luxueuse à une clientèle de bas de gamme, d’entrée de gamme. Même si la nouvelle génération de travailleurs est davantage motivée par le style de vie que par l’argent, la mise en place de ce style de vie coûte de l’argent. Atteindre ce style de vie est le pont que la gestion de patrimoine offre. Répondre aux aspirations d’un investisseur en matière de style de vie, c’est le service du gestionnaire de patrimoine.

Luxe Digital : Comment le numérique a-t-il transformé le mode de fonctionnement du secteur de la gestion de patrimoine privé ?

Dominic Gamble : Ce n’est pas encore le cas. Certainement pas à la hauteur des autres industries. Mais c’est ce qui le rend passionnant en ce moment. Le secteur va changer énormément au cours des 10 prochaines années.

L’Internet des objets et la technologie numérique ont transformé presque toutes les industries et, bien que l’adoption soit lente, nous commençons à voir ses effets sur le monde traditionnel de la gestion de patrimoine en Asie. Les solutions numériques offrent de nouvelles façons de s’engager auprès des clients et de leur offrir une expérience personnalisée, transparente et intégrée, d’une manière plus efficace en termes de coûts et d’opérations.

Ce qui est vraiment intéressant, c’est que les avancées numériques dans d’autres secteurs comme le luxe modifient fondamentalement le comportement des consommateurs en matière de gestion de patrimoine, et cela entraîne des changements dans le secteur, car les marques sont poussées à évoluer.

Luxe Digital : Comment les attentes des HNWIs en matière de solutions numériques, en particulier, évoluent-elles et remodèlent-elles le secteur de la finance ?

Dominic Gamble : Je lis des rapports sur la façon dont les UHNW sont si compétents en matière de technologie en Asie et je ris. C’est en général de la foutaise. Cela va changer, lentement mais sûrement. L’UHNW en Asie est toujours caractérisé par un homme d’affaires traditionnel (plus qu’une femme pour le moment), qui est riche de première ou deuxième génération. Il a plus de 60 ans. Il envoie des messages à ses enfants par SMS depuis son téléphone portable et fait tellement grossir le texte qu’il y a presque une lettre par écran. Il veut rencontrer son banquier privé dans le hall d’un hôtel pour discuter affaires autour d’un thé. Ce n’est pas un client qui connaît le numérique.

Bien que je dépeigne un stéréotype et que des changements aient lieu. Cela ne signifie pas que des modèles numériques peuvent être mis en œuvre pour changer le comportement des UHNW aujourd’hui. C’est l’échec de nombreux modèles de robo-advisor en Asie qui tentent de cibler les HNW/UHNW.

L’opportunité numérique d’aujourd’hui pour les HNW/UHNW est axée sur les opérations. En d’autres termes, comment les solutions numériques peuvent-elles être déployées en coulisses pour soutenir l’amélioration du service client (et une plus grande efficacité) ?

Les opportunités numériques d’aujourd’hui pour les secteurs de la vente au détail et de la clientèle aisée sont à la fois opérationnelles et de prestation – c’est là toute la différence.

Luxe Digital : Quelles sont les plus grandes opportunités que la transformation numérique du secteur apporte aux gestionnaires de patrimoine ?

Dominic Gamble : L’expérience est essentielle et cela découle du point précédent. Peut-être que l’une des raisons pour lesquelles les UHNW sont moins disposés à utiliser une solution numérique est qu’actuellement, ils n’ont pas d’expérience haut de gamme pour le faire ? Si l’on considère les outils numériques de gestion de patrimoine qui existent aujourd’hui sur le marché, l’expérience utilisateur est généralement peu ou pas différenciée selon qu’il s’agit d’un particulier ou d’un UHNW. Je pense que les marques de luxe ont bien fait les choses, avec des expériences numériques qui soutiennent la valeur de leur marque, et des partenariats qui les soutiennent également, mais toujours en mettant l’accent sur l’expérience de détail.

C’est une leçon importante – elle montre que même dans le monde du luxe, ce que nous appelons l’approche « bionique » des ventes et des relations est toujours essentielle. Bionique » signifie une approche mi-humaine, mi-digitale, où la technologie ne remplace pas le « conseiller » humain mais le renforce. Pour notre entreprise, c’est le grand message adressé aux institutions financières pour les cinq prochaines années et plus. Ne proposez pas aux consommateurs des solutions purement numériques, cela ne fonctionnera pas. Au contraire, donnez du pouvoir au conseiller et à la relation en face à face en utilisant le numérique pour établir des relations plus fortes, des conseils plus ciblés et, de préférence, une expérience haut de gamme.

Il est étonnant de voir à quel point les banques dépensent peu sur leur expérience en face à face ces jours-ci, il semble que la technologie ait toute l’attention. Elles ne devraient pas oublier le pouvoir de grands espaces de réunion et de divertissement pour les clients, ainsi que de grands partenaires et avantages avec des marques des secteurs de la mode, du voyage et du style de vie.

Ce sont des avantages compétitifs dans un secteur de plus en plus homogène.

Luxe Digital : Et quels sont les défis les plus importants ?

Dominic Gamble : Les plus grands défis se situent au niveau de l’industrie elle-même. C’est une période difficile pour les entreprises en place et elles devront plus que jamais compter sur l’expertise de tiers plutôt que de faire les choses elles-mêmes en interne. Leurs activités sont soumises à une pression sur les coûts, leur secteur perd de son éclat auprès des consommateurs, en particulier auprès des jeunes (futurs) clients. Leur réussite future repose sur la technologie et une évolution numérique plus rapide, mais comment y parvenir ? Ils ne sont pas en mesure d’embaucher les meilleurs talents en matière de design ou de technologie. L’externalisation n’est donc pas seulement plus efficace financièrement, elle est également nécessaire pour obtenir le meilleur produit final.

Afin de lutter contre la perception plutôt stérile de l’industrie, ils doivent trouver de nouvelles façons d’engager leurs prospects et clients. Se différencier est essentiel, et la plupart du temps, je pense que cette différenciation ne se fera pas au niveau des capacités de service, mais plutôt au niveau de la marque, du marketing, du design, des partenariats de luxe et des améliorations numériques qu’ils offrent aux clients finaux.

Luxe Digital : Quelle est votre vision pour les 5 prochaines années dans le secteur ? Qu’est-ce qui vous enthousiasme le plus ?

Dominic Gamble : Je suis très enthousiaste à l’idée que le secteur financier sorte de l’âge des ténèbres numériques, en particulier en Asie. Cela commence à se produire et on peut dire que 5 ans ne suffisent pas pour que la vague déferle vraiment, mais il y a de grands changements dans la façon dont les gens interagissent avec leur argent, de plus en plus de fournisseurs vont réagir positivement à cela et créer des expériences que les consommateurs veulent.